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Articles - A rebours: Retour de l'injustice
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Situation générale de la question de la retraite salaire continué en 2001
Grenoble, conférence

Un état d’esprit nouveau et explicable :

Les retraités que nous sommes comprennent mal certaines réactions de nos enfants ou successeurs vis à vis de leur retraite : " nous n’aurons pas vos retraites " disent-ils, " il faut être réalistes, on ne peut pas résister à la mondialisation. Nous devons chacun faire notre retraite par des placements, obtenir des primes pour les accumuler car nous n’aurons rien ". Les plus anciens, sûrs du code des pensions de la fonction publique ne disent plus que le code des pensions leur accorde toutes garanties, ne disent plus que " les retraites de la fonction publique d’Etat étant inscrites au Budget, les fonctionnaires ne risquent rien "
Il est vrai que nous pouvons rapidement tout perdre, ou même tout brader.
Avançons trois explications :

1/. La déréglementation mondiale en mettant tous les salariés de la planète en concurrence, relayée par les médias, a imprégné les esprits, et peu de populations envisagent comme inéluctable une mondialisation plus sociale que ces populations, combatives et unies au moins au plan européen auraient pu tenter d’imposer.
2/ Le citoyen constate que ses élus politiques sont de plus en plus dépossédés de toute décision en matière économique, et que des techniciens formés par la classe dominante, les financiers des multinationales, ont de fait pris le pouvoir. Les gourous de la Banque mondiale, du FMI, de la FED, de la Banque européenne, ne consultent pas les politiques. En France comme ailleurs le gouverneur de la Banque de France a son autonomie, il suit la loi que l’on a appelé des marchés, et qui est celle des multinationales.
3/. Nous avions atteint un bon niveau de protection sociale, les jeunes connaissent une relative sécurité en matière de santé, d’éducation, seuls les milieux défavorisés dont l’expression est impossible autrement que par la violence connaissent l’insécurité du présent et de l’avenir. Ils ne sont pas entendus, et le citoyen moyen essaie au moins de tirer sa propre et personnelle épingle du jeu. L’individualisme s’exprime plus que l’appartenance à un corps social, de salariés par exemple, et d’une manière générale, en France en particulier, les syndicats perdent leurs adhérents.
Les arguments avancés pour liquider nos retraites sont fallacieux :

La démographie démontrerait que la vie va considérablement s’allonger, il n’y aurait plus assez d’actifs pour payer les retraites, l’Europe aurait déjà retardé l’âge de départ à la retraite, la France prendrait du retard et irait droit au mur.
On ne nous a pas tenu le même discours pour les agriculteurs : En 1950, 3 millions d’agriculteurs nourrissaient 40 millions de Français. En 1999, 900 000 en nourrissaient 60 millions, et que de surplus ! La productivité, la mécanisation, tout simplement.
Quant à l’espérance de vie qui est médiatisée, c’est d’abord celle que les nouveaux - nés ont à leur naissance, qui augmente parce que, grâce aux progrès de la médecine, la mortalité infantile chute fortement, que de nombreuses maladies sont guéries ou même éradiquées. Après 60 ans on est loin de gagner un trimestre d’espérance de vie par an, et il semble que l’on observe même un ralentissement des progrès : il est vrai que les femmes se sont mises à fumer, que l’environnement et l’alimentation sont de plus en plus dangereux, que des virus résistent aux antibiotiques et que l’on ne voit pas comment découvrir rapidement des médicaments aussi efficaces. Or, pour la durée de la retraite, c’est la durée de vie après 60 ans qui compte !
Pour ce qui concerne l’exemple européen, il n’est pas à suivre en matière de fécondité : Moyenne européenne : 1, 45 %. France : 1, 7 %, - et ça monte. Allemagne, moins de 1,3%. Italie et Espagne, 1,14%. Il ne faut donc surtout pas les imiter sur la question des retraites.

Il n’y a aucune explosion du nombre de personnes de 60 ans et plus, et encore moins une explosion du nombre de retraités : les retraités sont des anciens actifs, il ne faut pas confondre plus de 60 ans et retraités, de même qu’il n’est pas pertinent de comparer la population des retraités à la population totale, c’est aux actifs producteurs de richesses qu’il est pertinent de se référer, car comme les actuels retraités, ils aspirent à un niveau de vie futur basé sur un taux de remplacement de 75% de leur salaire..
Le nombre de retraités a augmenté régulièrement, et les cotisations sociales ont suivi.
Les chiffres officiels de l’augmentation des cotisations rappelés par NIKONOF ( La comédie des Fonds de Pension) ont toujours dépassé les 0,25 % annuels dans un passé récent, à la satisfaction de tous sauf le MEDEF : +0,75% par an de 1973 à1983, +0,5% de 1984 à 1991, +0, 35% de 1992 à 1996.
Jean Paul FITOUSSI (Le Monde 6 mars 2000) cite la démonstration de Dupont et Sterdyniak: avec une croissance de seulement 1,75 % annuels, (PIB), en augmentant les cotisations de retraite de 0,25% par an sur 30 ans (2006-2036), le revenu des salariés à la retraite peut être conservé sans augmenter la durée d’activité.
Le PIB.

Si les salariés ont une retraite, c’est en raison de leur rôle principal dans la production de richesse, et ce sont des prélèvements " à la source ", les cotisations prises sur la masse salariale, qui assurent leur salaire continué, les cotisations étant dépensées au fil des mois, sans aucune accumulation.
Le discours affiché dans le rapport CHARPIN et dans tous les discours officiels, MEDEF en tête est celui-ci : il ne faut pas consacrer aux retraités plus de 12% du PIB. Comme ils vont être plus nombreux, il faut qu’ils souscrivent à des fonds de pension. Le résultat est que les nouveaux retraités du régime général ont un taux de remplacement en chute libre, et ce n’est pas fini : on en est au calcul de la retraite sur les 18 meilleures années, on va vers les 25.
Bien sûr on veut aligner vers le bas les fonctionnaires. Les discussions actuelles sur les 40 annuités ne doivent pas cacher le reste : derrière il y aura les 25 meilleures années au lieu des 6 derniers mois, et la fin de l’indexation sur les salaires, comme pour le régime général.

Le partage du PIB
Bien sûr, c’est normal, il en va aux investisseurs, aux patrons, à l’Etat, et aux salariés.
Une image : 100 convives autour d’une table, avec un gâteau partagé en 100 tranches égales, le gâteau de la part du PIB qui va aux salariés. Autour de la table, il y a 18 retraités, et 82 non retraités. Si le gâteau est plus grand l’année suivante, c’est que la croissance du PIB l’aura permis. Imaginons qu’il n’y ait pas de croissance jusqu’en 2040. A l’époque, toujours d’après les calculs officiels que l’on retrouve dans le rapport CHARPIN, il n’y aurait plus 18% de retraités, mais 25%.
Si la proportion des retraités a augmenté, c’est que la proportion des non retraités aura diminué et sera passée de 82% à 75%.
Mais il y aura toujours 100 convives autour du gâteau, et les parts n’auront pas bougé. On essaie de nous faire croire que les retraités auront pris sur les autres. C’est faux, les autres, moins nombreux auront les mêmes parts qu’au temps où il n’y avait que 18 retraités.
Mieux encore : les parts autour de la table ne sont en fait pas égales, les salariés n’ont pas tous la même paye, et les chômeurs non plus. Quant aux retraités ils n’ont que des parts à 75% de leur part d’actifs (le taux de remplacement). Ce qui fait que, - chiffres officiels toujours, il suffit que les retraités aient 16% du PIB en 2040 au lieu de 12% aujourd’hui, pour que relativement aux autres populations, ils aient un niveau de vie comparable à ce qu’il était jusqu’en 2000.
Actuellement, on essaie de nous faire croire que la croissance est nécessaire pour garder le même niveau de vie. Personne, dans les milieux officiels, MEDEF, gouvernants, Commission européenne ne doute de la croissance et chacun mise sur un doublement des niveaux de vie en 40 ans. Actifs, actionnaires, patrons devraient donc doubler leur niveau de vie.

Si le MEDEF propose de casser le niveau de vie de la répartition, c’est en fait pour faire glisser ce qu’on aura pris aux futurs retraités vers les profits et non vers les salaires.
Le monde n’a jamais été aussi riche, et dans notre pays la part des salaires directs et indirects ( retraite) dans la valeur ajoutée (le PIB) est descendue en dix ans de 70% à 60% (à comparer avec 66,5% aux USA, 68,5% au Royaume Uni…) .

La fausse piste des Fonds de pension :

La chose nous est présentée comme un moyen de permettre aux actifs de demain de moins cotiser, comme si ces " réserves personnelles " de chaque salarié pouvaient donner comme ça un niveau de vie, en dehors du circuit des actifs.
Les besoins des salariés après 60 ans (soins, voitures, loyers, électricité, nourriture…) ne peuvent pas être congelés du temps de leur activité. Quand ils vendront leurs parts de fonds de pension, si elles valent encore quelque chose, il leur faudra des acheteurs qui avec ces parts prépareront leur propre retraite. L’effort financier des acheteurs sera alors aussi important que celui qu’ils continueraient à faire en répartition, comme le démontre très bien Bernard FRIOT, maître de conférences en économie à l’université de NANCY1. En effet, si les salariés retraités doivent disposer comme aujourd’hui de 75 % de leur salaire d’activité, l’argent viendra nécessairement de la richesse produite alors par les actifs. Ils seront tout autant moins nombreux pour racheter les parts de fonds de pension que pour abonder les systèmes de répartition.
Aucun économiste n’ose affirmer que des parts de fonds de pension garantiraient aux retraités le niveau relatif de vie actuel car tous ont relevé que le rachat de ces parts par des travailleurs resterait très aléatoire. Les retraités futurs devront-ils se nourrir de leur part papier non échangeable en monnaie ?

Le passage de la répartition à la capitalisation n’apporte ainsi qu’un fait nouveau : le risque de tout perdre..

Et puis c’est curieux, aujourd’hui il n’y aurait pas assez d’argent pour augmenter les cotisations, mais on en trouverait bien plus encore pour alimenter les fonds de pension. Quand le salarié met 1 F, le patron ajoute 3F sans charge sociale. Les Plans d’Epargne Entreprise et leurs cousins ont déjà bénéficié de près de 30 milliards de suppressions d’impôts et de cotisations en 2000, les Plans Personnels d’Epargne Salariale Volontaire de 2001 vont augmenter le coût pour le contribuable consommateur, et pour les caisses de retraite ainsi affaiblies.
De fait, après l’effondrement des Fonds de Pension anglosaxons, américains, japonais, si des fonds français et européens ne se développent pas, ce sera le naufrage de cette idée de retraités pouvant comme avant 40 être rentiers. Ces pays seront obligés de redévelopper la répartition, et ils le reconnaissent.
Si l’Europe achète leurs actions, la Bourse remonte, nos Fonds de Pension peuvent relancer une bulle financière, et les dirigeants que notre argent intéresse sont prêts à le prendre.

Pour mieux comprendre, pour résister, pour changer les choses, il convient de tirer les enseignements d’une histoire récente qui est celle du recul du statut de salarié en France et en EUROPE : la fiscalité redistribuée porte atteinte à la reconnaissance de la qualification du salarié retraité et à l’indexation sur la croissance.

Les évolutions que nous vivons s’inscrivent dans une logique : l’affaiblissement de la défense des salariés devant l’union mondiale des dirigeants devenus très puissants dans les multinationales, au point de contrôler en partie les décisions des gouvernements qui se sont laissés enchaîner par des traités internationaux de déréglementation et par des conventions internationales de commerce non équitables. L’unité syndicale des financiers et autres décideurs mondiaux donne lieu périodiquement à la kermesse médiatisée de DAVOS. Ils sont tous là, et tous d’accord. Notre premier mai, qui n’est plus unitaire, est bien pâle à côté.
Au temps où nous avancions, les fonctionnaires ouvraient la voie avec un système de retraite qui s’est mis en place entre 1914 et 1948, préfiguré par le régime de pension créé pour les fonctionnaires en 1790 en reconnaissance des services rendus, puis par la naissance du Grand Livre de la Dette publique en 1817, et le Code des Pensions en 1853 : une révolution : sans épargne préalable des revenus décents sont garantis aux retraités. Auparavant, il n’y avait que la charité publique, l’aide des enfants, pour aider de vieux jours qui n’étaient nullement sécurisés. Ceux qui ne travaillaient plus étaient des nécessiteux sans droit.
Grâce à cette voie ouverte, une généralisation intervient en 1941 pour l’ensemble des salariés du secteur privé dont la retraite va être garantie par les cotisations prélevées sur la masse salariale. C’est la répartition. Plus besoin d’épargne préalable, ni de rente fixe accordée au départ, dont on a pu vérifier la faiblesse avec la faillite des rentiers de l’argent dévalué de la période précédente. En 1947 les cadres, qui étaient attachés aux rentes de Fonds de Pensions, les abandonnent pour l’AGIRC, répartition mutualisée comme celle du régime de base. Les Fonds de Pension de l’époque reculent comme recule l’aide sociale.

Henri HATZFELD (Du paupérisme à la sécurité sociale , 1971) démontre que la lente construction de l’obligation de cotisations sociales ouvre le passage d’une sécurité liée à la propriété ( l’aide sociale comme la charité n’apportent pas une vraie sécurité), à une sécurité liée au droit du travail qui fait que par une technique de répartition du produit intérieur brut, le salarié garde sa part : tant qu’il y aura du travail, - la seule manière généralisée de produire de la richesse, le salarié retraité sera en sécurité. Or, il y aura toujours du travail. Robert CASTEL et Bernard FRIOT ont parfaitement complété le travail d’HATZFELD.
Le patronat et les actionnaires ont bien tenté de renverser cette évolution dans les années 50 et 60, mais contrairement à leur réussite des années 90 ( et ce n’est rien par rapport à ce qu’ils veulent obtenir dans l’actuelle décennie), ils n’eurent que la satisfaction très temporaire de voir la mise en place d’une politique de la vieillesse (ce n’est pas la même chose qu’une politique du salaire continué), avec le Fonds national de solidarité de 1956, la réforme JEANNENAY de 1966, qui mettait les retraites sous la coupe de l’action sociale. Ce n’est qu’au début des années 70 avec les lois BOULIN que le monde salarial repart de l’avant : la pension restera encore quelques décennies un élément du salaire et non pas de l’aide sociale.
Dans ces années, la bataille était menée dans le secteur privé, et tant que celui- ci tenait, notre code des pensions ne risquait rien. La stratégie syndicale était celle de l’extension d’avancées obtenues d’abord dans les secteurs à forte valeur ajoutée, avec un refus de la création ou de l’extension de régimes d’entreprise. Les syndicats obtiennent même l’indemnisation du chômage de plein droit par l’UNEDIC, avec même le maintien du salaire pendant un an pour les licenciés économiques après 1974.
Non seulement la fonction publique, qui avait servi de modèle n’était pas menacée, mais ces acquis salariaux ont fait tâche d’huile dans la deuxième moitié des années 70 vers les pauvres qui n’avaient pas pris le train des très nombreux salariés, et dont les misérables revenus furent cependant tirés vers le haut par la contagion des améliorations conquises par les salariés.

Ce qui était vrai pour la retraite était vrai pour la santé : ce que les salariés avaient obtenu par la cotisation ( la répartition de la richesse produite au moment même de sa production) a été octroyé par l’impôt redistribué, c’est à dire l’aide sociale pour tous : voir la CMU.
Les fonctionnaires avaient été les pionniers, le secteur privé accentua les conquêtes, tous les citoyens bénéficièrent de l’action des salariés et des élus politiques qui œuvrèrent pour une certaine justice sociale. Ceci fut vrai dans toute l’Europe continentale ( Allemagne, France, Italie, Espagne, Belgique, Portugal, Grèce, Autriche). Un seul pilier pour soutenir les retraites et les régimes de santé des salariés : la cotisation sociale. Et des retombées non négligeables vers tous, bref, le progrès social.

Comment la classe dirigeante a-t-elle pu reprendre la main?

Cela a commencé à la fin des années 70, s’est accéléré avec le chômage . D’après un concept de Milton FRIEDMAN énoncé en 1968, et qui a présidé plus de 30 ans au pilotage des économies américaines et européennes, il y aurait pour chaque pays un pourcentage de chômeurs qui permettrait de bloquer les revendications des travailleurs, le NAIRU, qui serait de 9% pour la France. (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployement,).Ce NAIRU a officiellement été fixé à 9% pour la France fin 1997 comme en témoigne une note officielle de nos "Comptes prévisionnels de la nation" "Une estimation centrale du taux de chômage compatible avec une croissance durable et non inflationniste serait d’environ 9%". Pour obtenir ce score on joue sur les taux d’intérêt, les banques mondiales ou européennes augmentent les taux pour éviter " la surchauffe économique " propice aux revendications. En Europe, on s’est laissé emporter, et cette thérapeutique d’origine américaine a détruit des pans entiers de notre économie tout en augmentant les profits.

Grâce au chômage, les entreprises obtiennent des exonérations ou des modulations de cotisations patronales, et, devant l’inquiétude, assurent par ailleurs la promotion de l’épargne salariale qui permettrait d’asseoir la sécurité individuelle de la retraite sur la propriété personnelle. Des cotisations sociales sont remplacées par l’impôt (la CSG est de fait un nouvel impôt, - non progressif). Le Budget compense les manques de la sécurité sociale et l’Etat vend ses biens (privatisations), tout en continuant à se substituer aux entreprises pour les bas revenus (la prime à l’emploi sans cotisations sociales), ou encore la prise en charge de cotisations sociales avec les lois Giraud, Robien, Aubry1 et 2 pour les 35 heures, cependant que sont orchestrés des mouvements de contribuables qui conduisent l’Etat à envisager la limitation des dépenses publiques : Fonctionnaires actifs et retraités sont actuellement en première ligne, puisqu’en 1993 le secteur privé a cédé.

Nous vivons une accélération, ce qui relevait de la cotisation sociale en prise directe sur le PIB est rapidement cédé par appartements à l’assurance, à la fiscalité, à l’épargne salariale. La fiscalité redistribuée sous forme d’aides diverses à l’emploi déconnecte les petits salaires, les plus nombreux, de la production de richesse avec laquelle ils ne sont plus en prise directe. Pour les cadres et même les employés, les stock options et autres participations ne cotisant pas pour la retraite ou la santé remplacent partiellement le salaire porteur de droits.
Des prestations jusqu’ici financées par le salaire basculent dans l’aide sociale : exemple en 1983 l’allocation d’adulte handicapé, ou dès 1979 le minimum vieillesse qui est un bon exemple : il a décroché depuis de 40% en valeur de pouvoir d’achat.
La réduction du taux de remplacement des retraites, l’entrée des prestations sanitaires et familiales dans une " logique universelle " de minimum social sont concomitantes. Jusqu’ici salariés dans l’espace interprofessionnel des règles du salaire, les travailleurs devenus partiellement allocataires ou rentiers sont chacun comme coupés en plusieurs parts : allocataires relevant de la solidarité fiscale dans des emplois aidés, contribuables accédant à des services publics gratuits, petits revenus recevant un complément de l’Etat au lieu d’une actualisation de la paye, et rejoignant les travailleurs indépendants dans cette aide. La régression est générale : on invente le statut salarial de " jeune " (dans les emplois jeunes, il n’est pas salarié de l’Etat patron, mais vit de la solidarité), et celui de la zone franche où le travail n’est possible qu’avec l’aide de l’Etat. Le saut en arrière représente plus de 20 ans, la signification salariale de la protection sociale est complètement brouillée. Pour les plus de 60 ans on a inventé le concept de dépendance (ce n’est plus une maladie invalidante, mais de la vieillesse qui ne se soigne pas et échappe donc aux droits habituels du salarié qui ne peut être ici reconnu ni comme invalide ni comme malade). Cela dans une période où la croissance aurait pu permettre de nouvelles avancées en faveur des travailleurs. La croissance est allée aux profits, les salariés perdent 1% par an de leur part du PIB dans la répartition, les retraités au moins le double. La part des salaires dans la valeur ajoutée en France (70% il y a dix ans) a atteint un plancher de 60% (à comparer avec 66,5% aux USA et 68,5% au Royaume Uni). Pour les salariés comme pour les retraités le concept du maintien du pouvoir d’achat a remplacé celui de la participation à la croissance.

Cette situation n’est pas propre à la France, elle a été voulue, en voici les preuves.
FMI : " Un système de retraite par répartition peut déprimer l’épargne nationale parce qu’il crée la sécurité dans le corps social. " (Il en est de même bien sûr pour la santé)
" Il faut forcer les gens à épargner pour leur retraite en orientant les fonds de pension de manière stable et permanente vers les investissements dans le secteur privé " Fonds monétaire international. Julia LYNN, USA, 1997.
1994 : La Banque mondiale demande que les retraites par répartition existantes soient remplacées partout et progressivement par un système à trois étages pour tous les salariés (dont les fonctionnaires)
1ER étage : On conserve un système par répartition, très limité (minimum à 2500 F pour la France), obligatoire.
2eme étage : Un système par capitalisation obligatoire
3 ème étage : Un système par capitalisation facultatif.
1997, FMI, Michel CAMPDESSUS constate que " les gouvernements d’Europe sont entrés dans les activités autrefois menées par le secteur privé : financement de l’Education, de la santé, des retraites, de l’aide sociale, de l’allocation chômage, des systèmes d’allocations sociales minimales, et qu’il faut revenir en arrière là dessus. La globalisation l’imposera car " sans barrières, les pays ne pourront pas supporter les niveaux de protection sociale supérieurs à ceux des pays avec lesquels ils sont en concurrence ".

Où en sont les pays de l’EUROPE ?
La réforme la plus spectaculaire de ce point de vue est celle des pensions de retraite en Italie, qui met en place en 2000 un calcul de la pension selon le double critère de la somme des cotisations versées par le travailleur pendant sa vie active et de l’espérance de vie de sa génération au moment de son entrée en retraite : le modèle utilisé est celui de la conversion en rente viagère d’un capital.
Le régime italien en répartition est ainsi réformé pour ne distribuer que des pensions de plus en plus liées aux cotisations versées et non pas à un objectif de remplacement du dernier salaire d'activité. Tout tend à faire "comme si" les régimes en répartition étaient des régimes en capitalisation (les économistes parlent ici de "capitalisation virtuelle") transformant au moment du passage à la retraite un stock de cotisations - inexistant mais calculé comme tel - en rente viagère.

Dans les pays de l’Europe continentale qui avaient le seul pilier de la cotisation sur la masse salariale pour porter les régimes de retraite et de santé, le virage s’opère de 1982 à 1985 avec l’intervention de la fiscalité redistribuée qui remplace peu à peu la cotisation et son cortège de droits.
Au Portugal, cela s’effectue assez vite à l’occasion des programmes co-financés par le Fonds social européen à compter de 1984. La baisse des cotisations patronales est compensée par une hausse de la Taxe à la Valeur Ajoutée. En Espagne c’est après 1993 que s’effectue la marche arrière.
En Allemagne après 1990 la redistribution étatique remplaçant la cotisation pour des populations ciblées est financée par la TVA et l’Ecotaxe. Partout on développe les fonds de pension et les systèmes de stock options.
Dans les pays anglo nordiques qui n’avaient pas mis en place des systèmes salariaux de protection sociale, mais des systèmes à double pilier, fiscalité redistribuée + fonds de pension (les économistes parlent de systèmes fisco-financiers), le pilier fiscal (l’assurance publique) est affaibli, les droits universels du citoyen (salarié ou non) se rétrécissent, pour forcer chacun à souscrire plus fortement dans des assurances privées et des fonds de pension. Les prestations sous conditions de ressources se multiplient.
Au Royaume Uni ces prestations sont financées par la fiscalité indirecte. L’allocation de l’Etat complète le petit salaire ou le temps partiel, le petit salarié est en même temps allocataire. Les Fonds de Pension liés au travail sont remplacés par des plans individuels de retraite dont les prestations ne sont plus définies, même si les cotisations le restent. En Suède la pension forfaitaire est réduite, avec des prestations proches de la réforme italienne. Aux Pays Bas la pension publique de base se rétracte et les fonds de pension de branche rendus obligatoires par arrêté ministériel d’extension sont attaqués par les compagnies d’assurance au nom du libre marché. Ils reculent donc au profit des systèmes du marché.
Partout on observe un recul du salaire lié et garanti par le poste de travail au profit de l’individualisation des rémunérations, du paiement à la tâche, du temps partiel, d’une plus grande contributivité des prestations sociales.

Pour conclure :

Il s’est produit une mutation de la fiscalité en matière d’emploi, la fiscalité a peu à peu commencé à détruire ce qu’elle avait aidé à construire : la sécurité du salarié en matière de santé et de retraite.
La fiscalité utilisée en Europe continentale pour assurer la sécurité de la pension des fonctionnaires, puis des salariés des entreprises nationalisées, a permis partout la mise en place de systèmes salariaux de protection sociale favorables aux salariés. L’aide sociale bien sûr appuyée sur la fiscalité existait heureusement pour les plus pauvres, que le sort fait aux salariés tirait vers le haut au point que cette aide devenait heureusement un droit et non une charité aléatoire. Même dans les pays anglo-nordiques des services publics de consommation (santé, crèches), par leur caractère universel et gratuit libéraient les travailleurs de certaines contraintes, et là aussi la fiscalité était au service du salaire. Et l’Etat garantissait la sécurité sociale (retraite santé) par la cotisation, sorte de retenue à la source sur la production de richesse.
Aujourd’hui la fiscalité s’oppose à cette garantie chaque fois que de l’impôt se substitue à la cotisation. Nous perdons l’arrimage au PIB et à la croissance. Même si cela ne concerne pas directement les fonctionnaires, ils seront de toute façon " harmonisés " vers le bas le moment propice venu. La retraite se transforme par l’obligation de la compléter par un fonds de pension qui sera bien sûr sans garantie de prestations, seule la cotisation est connue.

La figure du salarié, actif ou retraité se transforme : il perd des droits sur la production de richesse, il devient un travailleur allocataire alimenté dans son travail par de la redistribution fiscale, puis un travailleur rentier soumis aux aléas des marchés financiers, avec un parachute, le minimum vieillesse, qui correspond à la prescription de la Banque mondiale. Il va bien être obligé d’épargner, aujourd’hui déjà, pour sa retraite, demain pour des aléas de santé.

Cette évolution représente un recul dans la dignité du salarié, une atteinte à la devise républicaine. La recpnquête est à faire avec une pensée pour nos successeurs.

Claude BARRATIER
Note: Aucune note
Ecrit par: tavardon, Le: 07/08/09